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Analyse du discours de Sonko: un changement de posture pour pousser le peuple à se dresser contre ses « bourreaux » présumés


Le leader de Pastef a, une fois de plus, abordé le dossier de “viols répétés et de menaces de mort” qui l’appose à la masseuse Adji Sarr qui a été renvoyé devant la Chambre criminelle de Dakar. Face à la presse hier jeudi, Ousmane Sonko a parlé de “complot politique pour l’empêcher d’être candidat à l’élection présidentielle prochaine”, “d’instrumentalisation de la justice”, de “mascarade”. Pis, Sonko s’en est pris directement au doyen des juges d’instruction Oumar Maham Diallo, qui devra, selon lui- “assumer toutes les conséquences par rapport « à ce qui pourrait se passer”. Un discours qui a fait réagir politologues et communicant. 

Interrogé sur le discours tenu par Sonko, l’analyste politique, Professeur Moussa Diaw  a tenu à souligner, d’emblée que : « Ousmane Sonko est intervenu dans un contexte particulier où son dossier judiciaire a été transféré devant la chambre criminelle de Dakar pour la préparation d’un procès par rapport à tout ce qu’a connu ce dossier comme connexion à la fois politique, judiciaire, sociologique, ect ».  

Il a poursuivi : « Généralement dans un contexte africain, un leader d’opposition qui gêne, ou qui aspire à devenir président de la République ou qui a un soutien populaire fait l’objet de toutes les formes d’inquisition. Il fera l’objet d’attaques. Ça c’est en Afrique. Et, c’est ce qu’on a vu dans le contexte sénégalais. Et, Ousmane Sonko se trouve dans cette posture-là, d’un leader politique qui est face à une stratégie d’élimination … ». 

L’analyste politique de constater pour le dénoncer : « La majorité (Benno Bokk Yakaar) a politisé tous les espaces. On sait qu’au Sénégal, il y a une politisation de l’administration. Une politisation de la justice, il n’y a pas un espace qui échappe à cette politisation. Ce qui d’ailleurs affaiblit la démocratie au Sénégal », a-t-il-regretté. Il est d’avis que cette façon de faire « nous place dans un contexte assez particulier, d’instrumentalisation de la justice à des fins politiques ». 

Revenant sur la situation du leader de Pastef accusé de « viols répétés et de menaces de mort » par la masseuse Adji Sarr, Prof Moussa Sow de souligner qu’il est : « traqué, ciblé, malmené ». Par conséquent, a-t-il avancé, « Ousmane Sonko essaie de réagir ».
 
 « Il sait le danger qu’il coure si jamais ce procès a lieu. Il sait qu’il n’aura aucune chance de s’en sortir s’il y a procès. Parce qu’il y a une machination », a-t-il retenu. C’est la raison pour laquelle, a-t-il noté, « il tient à témoin l’opinion public,  à montrer qu’il y a une forme de cabale contre lui, qu’il y a une manipulation, instrumentalisation de la justice, ect. Tout cela pourrait compromettre ses chances d’aller aux élections présidentielles ».  

« Le discours de Sonko traduit la peur d’un homme traqué. Ça se voit qu’il est inquiet »

C’est avec un ton très ferme qu’Ousmane SonKo a tenu son discours hier jeudi. Comme pour montrer sa détermination et sa colère, il a invoqué « son droit à la résistance ». Mieux, il a appelé les Sénégalais à la résistance face aux « manigances du régime de Macky Sall ». 

Ce ton utilisé cache-t-il une peur du leader de l’opposition? 

Le Professeur Diaw a répondu par l’affirmatif précisant que : « Cette tonalité traduit la peur d’un homme traqué, d’un homme qui est en difficulté. Ça se voit il est inquiet d’ailleurs physiquement. On voit qu’il est abattu par ce qu’il est en train de vivre aujourd’hui et la seule chose qu’il peut avoir, c’est qu’il soit soutenu par le peuple ».  
C’est pourquoi, a-t-il relevé : « Il se confie aux jeunes, à ses soutiens et tout son avenir politique maintenant dépend de la production qu’auront les jeunes par rapport à cette situation-là. Cela veut dire qu’il y a un rapport de force entre la majorité et Ousmane Sonko ». 

Est-ce que cette opinion publique saura répondre à cet appel ? Est-ce qu’elle voit en Ousmane Sonko leur avenir ? Va-t-elle le soutenir ? Ce sont là des questions qui se posent aujourd’hui, si l’on en croit notre interlocuteur. 

Selon lui, il y a un danger dans cette situation : « c’est la déstabilisation du pays ». Il a rappelé  « les crises politiques qui ont frappé la plupart des états africains, c’est en rapport en un 3e mandat, avec la gouvernance et avec des pratiques politiques ». 


 « On a fait face hier, à un Ousmane Sonko qu’on n’avait pas l’habitude de voir », constate un communicant

L’enseignant chercheur à la faculté des Lettres et Sciences humaines de l’Université Cheikh Anta Diop (Ucad) et non moins spécialiste en communication a analysé la sortie du leader de l’opposition sous plusieurs angles. D’abord sur la forme et ensuite sur le fond. 

Sur le premier aspect, Dr Jean Sibadioumag Diatta, puisque c’est de lui qu’il s’agit, a remarqué qu’ « on a fait face hier, à un Ousmane Sonko qu’on n’avait pas l’habitude de voir ». Il a expliqué : « On a fait face à un Ousmane Sonko qui prend la parole et qui donne la parole aux journalistes pour que les gens puissent poser des questions. Si dans ce contexte-là, il le fait, c’est parce qu’il a envie de montrer qu’il est déjà dans la posture de quelqu’un qui a accepté de débattre et de montrer qu’il n’a rien à se reprocher. Qu’aucune question n’est taboue parce qu’à ce stade-là, si l’on ne maîtrise pas les éléments de communication, si on ne pense pas qu’on a raison par rapport à ce qu’on fait-là, on n’oserait pas se prêter à un tel jeu ». 

« Même si dans son discours, il a voulu montrer son indignation, il a aussi mis en exergue l’émotion »

Sur la posture d’Ousmane Sonko, Dr Diatta de souligner que : « Ousmane Sonko avait l’habitude de montrer sa sérénité. Mais hier, le ton qu’il a utilisé, c’est un élément communicationnel qui montre son état d’esprit mais aussi un message qu’il a voulu renvoyer à la population. C’est-à-dire qu’il est très en colère, c’est quelqu’un qui en veut à ce qui lui est arrivé, qui regrette tout ce qui a été dit sur cette situation ». 

Autre élément qui a attiré l’attention de l’enseignant-chercheur, dans le discours de Sonko « c’est ce que le philosophe Aristote appelle le pathos logos ou l’utilisation d’un argument qui fait appel à l’émotion. « C’est-à-dire, on sent qu’il a un discours qui montre l’indignation par rapport à ce qui s’est passé », a-t-il relevé. 

Non sans oublier le volet où il met en « exergue l’émotion lorsqu’il dit aux Sénégalais que moi, je ne crois à aucune autre force, sinon à Dieu et sinon aux Sénégalais. Si vous Sénégalais vous m’abandonnez, c’est parce que vous êtes d’accord pour laisser Macky Sall me liquider. Et dans ce cas, j’accepterai mon sort avec dignité ». 

Tous ces éléments montrent, selon notre interlocuteur, que « Sonko connait bien sa cible. Il sait que nous sommes dans un pays émotif. C’est cette émotion-là qu’il a voulu suscitée des Sénégalais ». Parce qu’après son discours, a-t-il constaté, « l’on voyait, dans des vidéos publiées via les réseaux sociaux, des gens qui pleurent parce qu’ils ne pouvaient pas retenir leurs larmes. Et, cela crée un certain sentiment de révolte ». 

Autre élément qui a attiré l’attention de Dr Diatta, c’est ce qu’on appelle le matraquage en marketing, c’est-à-dire le fait de répéter un message dans le but de le faire accepter comme étant une vérité. « Lorsqu’il dit que je suis victime de la justice, lorsqu’il invoque son droit à la résistance et qu’il va résister jusqu’à sa mort, cela sonne comme une volonté d’Ousmane Sonko de vouloir imposer cet axe de communication pour que la grande majorité des Sénégalais retienne qu’Ousmane Sonko est victime du régime de Macky Sall », a-t-il analysé. 

C’est aussi un discours va-t-en-guerre…


« Ce discours-là est aussi adressé au parti adverse en leur disant que dans cette situation compliquée là, moi je m’attend au pire, donc attendez-vous aussi à y laisser vos plumes », a constaté le Dr en Sciences du langage.  

Dr Diatta et Pr Diaw ont, tous les deux, été attirés par l’appel lancé aux chefs religieux. Ils sont d’avis que d’ici quelques mois ou quelques semaines, les chefs religieux vont appeler à la paix et la seule action qui peut remmener la paix au Sénégal c’est une justice équitable.   

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